1973, au lendemain du départ du navire américain déportant les derniers habitants de l’île de Diego Garcia, la plus grande des îles de l’archipel des Chagos situé au milieu de l’océan indien, qui devenait une base américaine, Daniel et Danièle, deux Canadiens partis en voyage de noce autour du monde débarquent de leur voilier "Idiot wind" sur l’île désertée.
Pépita et Lolita étaient sur un bateau mais aucune des deux ne tombaient à l’eau car elles avaient toutes deux la patte marine après plusieurs années de navigation. Aux heures chaudes, elles restaient affalées sur le roof, à l’ombre du tau, profitant du moindre souffle d’air pour aérer leur épaisse fourrure qu’elles portaient comme d’authentiques élégantes qui auraient voulu à tout prix s’afficher dans leurs plus beaux atours quelles que fussent les circonstances. "Idiot wind", un sloop de dix mètres, amarré au milieu du fleuve Maroni face à la ville de saint Laurent du Maroni, frémissait à peine sous l’imperceptible brise. Il battait pavillon canadien. A son bord, en plus des deux félins velus et vautrés sur le pont, deux voyageurs au long cours, Daniel et Danièle installés dans le cockpit jouissaient de la vie avec délice, feuilletant quelques revues artistiques ou laissant leur esprit vagabonder au fil du fleuve. Ils arrivaient de Belém do Para au Brésil et poursuivaient tranquillement leur remontée vers le Nord après neuf années passées à boucler le tour du monde. Ainsi, il leur avait fallu neuf rotations de la terre autour du soleil pour accomplir leur voyage de noce autour de la planète. Retour au pays après un périple amoureux qui avait pris son temps et les avait conduits sur tous les océans du globe. Le temps illusoirement suspendu par cette navigation au long cours soudain s’accélérait à l’approche du but ultime et Daniel qui n’avait pas eu l’impression de vieillir en cours de route, sentait brutalement toutes ces années lui tomber dessus. Il frisait une soixantaine réjouissante, elle abordait sereinement la cinquantaine. Les circumnavigateurs se demandaient comment ils allaient pouvoir négocier leur retour. Ils avaient en projet de s’installer dans une ferme et d’élever des moutons mais rien de définitif. Des moutons dont la laine dense formerait comme des vagues ondoyantes sur fond de verts pâturages.
Pépita et Lolita étaient sur un bateau mais aucune des deux ne tombaient à l’eau car elles avaient toutes deux la patte marine après plusieurs années de navigation. Aux heures chaudes, elles restaient affalées sur le roof, à l’ombre du tau, profitant du moindre souffle d’air pour aérer leur épaisse fourrure qu’elles portaient comme d’authentiques élégantes qui auraient voulu à tout prix s’afficher dans leurs plus beaux atours quelles que fussent les circonstances. "Idiot wind", un sloop de dix mètres, amarré au milieu du fleuve Maroni face à la ville de saint Laurent du Maroni, frémissait à peine sous l’imperceptible brise. Il battait pavillon canadien. A son bord, en plus des deux félins velus et vautrés sur le pont, deux voyageurs au long cours, Daniel et Danièle installés dans le cockpit jouissaient de la vie avec délice, feuilletant quelques revues artistiques ou laissant leur esprit vagabonder au fil du fleuve. Ils arrivaient de Belém do Para au Brésil et poursuivaient tranquillement leur remontée vers le Nord après neuf années passées à boucler le tour du monde. Ainsi, il leur avait fallu neuf rotations de la terre autour du soleil pour accomplir leur voyage de noce autour de la planète. Retour au pays après un périple amoureux qui avait pris son temps et les avait conduits sur tous les océans du globe. Le temps illusoirement suspendu par cette navigation au long cours soudain s’accélérait à l’approche du but ultime et Daniel qui n’avait pas eu l’impression de vieillir en cours de route, sentait brutalement toutes ces années lui tomber dessus. Il frisait une soixantaine réjouissante, elle abordait sereinement la cinquantaine. Les circumnavigateurs se demandaient comment ils allaient pouvoir négocier leur retour. Ils avaient en projet de s’installer dans une ferme et d’élever des moutons mais rien de définitif. Des moutons dont la laine dense formerait comme des vagues ondoyantes sur fond de verts pâturages.
Nos deux pérégrins aventureux ont conservé un souvenir très précis de l’impression d’irréalité qui les a envahies en parcourant les rues de la cité déserte. Les malheureux expulsés n’ayant eu que quelques heures pour empaqueter leurs biens, ont dû se concentrer sur l’essentiel et abandonner sur place, une grande partie de leurs possessions. Les portes restées ouvertes donnaient à voir des cuisines, pour la plupart propres et en ordre, avec parfois casseroles et vaisselle rangées à leur place habituelle - mais il n’y avait plus d’habitude - Le temps de la ville s’était arrêté. Agglomération, toujours fonctionnelle, sans personne pour profiter de ses services. Visitant les maisons, avec une timide angoisse, les deux « Daniels » s’attendaient à chaque instant à voir les propriétaires entrer et leur demander des comptes sur leur présence en ces lieux. Un âne brayait, colis trop encombrant pour être emmené. Plus loin c’était une vache et quelques poules abandonnées à elles-mêmes. Un sentiment d’infinie tristesse se dégageait de ce lieu. La ville frémissait encore de toute l’énergie vitale qu’elle abritait la veille. Devenue une coquille vide, son inexorable dégradation commençait déjà à produire ses néfastes effets. Les jardins offraient des légumes charnus qui n’avaient pas encore eu le temps de subir l’implacable loi de la jungle qui se joue entre les végétaux dès qu’ils peuvent jouir sans entrave de leur croissance naturelle.
Les militaires américains dont le navire était mouillé dans une autre partie de l’île vinrent les trouver pour savoir à qui ils avaient à faire. Ils les autorisèrent à rester quelques jours le temps d’effectuer l’avitaillement. Nos deux marins canadiens ont séjourné une semaine au mouillage dans une baie abritée, ils ont fait le plein de légumes dans les potagers, de fruits dans les près et d’eau douce aux robinets puisque le ravitaillement constituait en partie la raison qui les avait conduits à faire cette escale. C’était simple, il suffisait de se servir. Mais ils ne sont plus retournés dans les maisons vides. Il leur paraissait indécent et désespérant de s’introduire chez des personnes que jamais ils ne pourraient rencontrer et remercier. Ils ont ensuite poursuivi leur voyage, pleins de ressentiments pour ceux qui avaient disposé des terres sans se soucier de leurs occupants.
Janvier 1980
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