lundi 23 mars 2009

Dans l’ombre du troisième homme


"Et comme disait cet ami : l'Italie sous les Borgia a connu 30 ans de terreur, de sang... mais ça a donné Michel Ange, de Vinci et la Renaissance. La Suisse a connu la fraternité, 500 ans de démocratie et de paix. ça a donné quoi ... Le coucou"
Réplique d'Harry Lime à Holly Martins scène de la grande roue
"The third man" réalisé par Carol Reed

Inoubliable Orson Welles incarnant Harry lime, personnage sombre et ambigu comme la Vienne de l’après guerre. « Le troisième homme », classique du 7e art, primé à Cannes en 1949, conserve une aura telle que l’office de tourisme de la capitale autrichienne organise un circuit des lieux où se sont déroulées les scènes mythiques du film.

Je fais partie des aficionados de ce chef d’œuvre cinématographique. Je l’ai vu et revu, tant et si bien que certaines images me viennent spontanément en mémoire, les ombres menaçantes qui s’étirent sur les pavés luisants, l’inoubliable rencontre entre Joseph Cotten alias Holly Martins et Orson Welles alias Harry Lime dans une cabine de la grande roue du Prater, les retrouvailles incongrues des deux hommes sous le porche du 8 de la Schreyvogelgasse.

Une esthétique irréprochable, des personnages d’une grande présence, un cadrage innovant, une musique inoubliable, c’est à peine si le film a pris une ride. Le cinéaste a su capter l’ambiance trouble et inquiétante qui régnait dans la ville dans le contexte historique de la fin des années quarante. Vienne y apparaît comme un personnage à part entière et les images sublimes de Robert Krasker l’immortalise dans la posture du Phénix renaissant de ses cendres. Je n’ai pas suivi la visite organisée mais j’ai glissé mes pas dans ceux du troisième homme avec un certain plaisir. Les égouts en moins, dommage !

Mon enthousiasme débordant pour « Le troisième homme » a finit par convaincre Karine et Sylvie de venir avec moi voir le film qui passe deux fois par semaine tout au long de l’année au Burg Kino, un cinéma sur le ring. La salle est petite, 66 fauteuils, les places sont numérotées. Nous n’y avions pas prêté attention et nous nous sommes installées où bon nous semblait ce qui nous a valu d’être vite délogées et remises à nos places attitrées avec un rien d’irritation. Un public cosmopolite venu revoir ce film culte remplissait la salle. Ma voisine mangeait des bonbons, et le bruit des papiers qu’elle dépliait m’a agacé les nerfs pendant un tiers de la séance. La pellicule était à peu près correcte à l’exception de deux scènes légèrement tronquées.

L’histoire s’ouvre et se referme dans les allées du cimetière central. Certes, la ville a pris un autre visage, le soleil brille et la grande roue se dresse au milieu d’un vulgaire parc d’attraction. Mais à la nuit tombée dans le centre déserté, l’atmosphère oppressante du film surgit au coin des rues et au numéro 5 de la Josephplatz, on s’attend à ce que le concierge ouvre une fenêtre et nous interpelle. Un soir mimant une scène du film à mes deux amies, un homme s’est approché de nous et croyant que je dansais nous a donné l’adresse d’une boite de nuit.

« The third man » est toujours bien vivant pour ses admirateurs et le temps ne semble avoir aucune prise sur lui, bien au contraire. Eternel troisième homme !
Novembre 2003