mardi 8 avril 2008

Balade à Vienne et à Graz

« On voyait déambuler dans la large Ringstrasse, les habitants de cette ville, joyeux sujets de sa majesté apostolique, tous laquais de sa cour. La ville tout entière n’était que la vaste cour du château. » Joseph Roth, « La marche de Radetzky »

Vienne, parait toujours s’accrocher à sa position de ville impériale. L’architecture du centre historique en fait tant et si bien dans l’opulence qu’elle occulte Vienne la rouge, ouvrière et besogneuse. Quelques immeubles en verre tentent une timide percée moderniste dans l’enclave de la vieille ville. Les clichés exercent toujours leurs fonctions attractives. Autant les exorciser très vite. Non le Danube n’est pas bleu et son excentration le rend moins présent comme si la ville ne l’avait jamais entièrement accepté et qu’il avait fallu une valse pour lui accorder un regard.

Aux trésors intemporels du pouvoir impérial, nous préférions les plaisirs de l’instant : un cornet de pommes de terre, une saucisse moutarde et surtout du punch chaud avec une nette préférence pour la version asiatique aux cinq épices qui se laisse boire avec un ravissement certain. Cette possibilité de se sustenter dans la rue en composant son dîner au gré des baraquements où l’on se côtoie sans prétention, casse le cérémonial stéréotypé du restaurant d’une façon réjouissante.

Autre lieu, autre ambiance, au Café Mozart reconstruit après guerre, la surabondance de boiseries, de cuivres rutilants, de marbre, l’empressement des serveurs élégants dans leur costume noir contribuent à l’illusion d’un temps qui n’est plus. Parfois deux grandes bourgeoises entrent drapées dans leur élégance hautaine. Elles sont accueillies avec force sourire et salutations par des serveurs qui les accompagnent vers la table réservée. Alors le goût du chocolat chaud au Cointreau, de la sachertorte, de l’apfelstrudel ou de la glassierte nuss torte, se trouve sensiblement rehaussé par le piment de l’imaginaire qui nous entraîne instantanément soixante-dix ans en arrière.

Les cochers, fouet et chapeau melon, attendent les promeneurs sur la Stephanplatz pour les mener dans leurs attelages le long du ring. La cathédrale se laisse toujours admirer et les figures grimaçantes d’une statuaire expressive et riche se moquent des visiteurs pressés qui se font une obligation de passer sans les voir pour remplir leur contrat de parfaits touristes.

Mais les villes ne sont pas des musées. Vivantes et multiples, elles s’appréhendent selon une subjectivité qui se moque des guides touristiques. Certes les lieux de mémoire sur lesquels j’avais jeté mon dévolu faisaient inévitablement partie de ces ouvrages qui uniformisent le regard du voyageur mais par chance, ils y étaient relégués en troisième ou quatrième position des visites conseillées et ce classement leur évitait les foules envahissantes.

Novembre 2003

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